Tilapia made in Togo : Une épine dans les pieds des distributeurs de poissons

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©AfreePress-(Lomé, le 20 janvier 2023)- Le tilapia… ce poisson si aimé et à la fois, si détesté des Togolais. En effet, les jours et les mois passent et le tilapia continue de défrayer la chronique dans notre pays. Ce poisson revient, une fois encore, au-devant de la scène avec cette fois-ci, une nouvelle crise qui pointe à l’horizon dans le secteur de la distribution des produits halieutiques.

Pour des raisons de mauvaise qualité, les tilapias importés de Chine vers le Togo, avaient été interdits. En effet, le gouvernement togolais a décidé, lundi 16 avril 2018, d’interdire la commercialisation et la détention du tilapia et de ses dérivés. Cette interdiction prend en considération l’alerte en date du 27 mai 2017 de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’agriculture (FAO) sur l’apparition d’un virus mortel affectant ce poisson et son degré de propagation.

Pendant la durée de l’interdiction, il sera procédé à la saisie et à la destruction de toute espèce de tilapia sauvage ou d’élevage et des produits dérivés de tilapia importés, avait précisé le gouvernement.

Les autorités togolaises ont ajouté que « le tilapia élevé ou pêché dans les eaux togolaises ne comporte aucun risque et peut être consommé ».

Une aubaine pour les acteurs du secteur, qui se sont lancés corps et âme dans l’élevage de ce poisson d’eau douce. L’un des acteurs ayant senti la bonne affaire, est Lofti Farm qui a agrandi ses installations sur le fleuve Mono à Nangbéto dans la préfecture de l’Ogou. Une production locale, beaucoup encouragée et soutenue par le gouvernement.

Seul bémol à la reprise en main de la filière par les acteurs locaux, est l’envolée des prix de ce produit sur le marché local. Les 10 Kg de tilapia qui se vendaient entre 10 000 et 11 000 F CFA, se négocient désormais à 25 000 F CFA. Soit une augmentation de plus de 150 % entraînant, du coup, une hausse du prix de ce poisson, vendu en détail.

Conséquence logique de cette flambée des prix, les consommateurs se désintéressent du tilapia qu’ils n’achètent plus comme jadis, mettant en difficulté les investissements des producteurs locaux.

Pour sauver ce sous-secteur de la noyade, certains commis de l’État ne trouveront comme seule solution, que d’imposer des quotas d’achat du tilapia local, aux acteurs de la filière halieutique. Il a été donc décidé et imposé à ces opérateurs économiques, d’acheter 2,7 tonnes de tilapia contre l’importation de 27 tonnes de poissons les plus consommés par la population togolaise comme les chinchards (AKPALA), les maquereaux (SALOMON) et les sardines (VETIM).

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Une condition inique et injuste, qui sera plus tard allégée à la suite de plaintes et de tractations entre les premiers responsables du secteur et les distributeurs de produits halieutiques. Ce quota est désormais de 100 cartons de tilapias pour un conteneur des autres variétés de poissons importés.

Mais encore plus grave et plus injuste, il a été décidé que l’achat du tilapia local ne peut se faire qu’auprès d’une unique société, alors qu’elles sont plusieurs à subir les coûts du recul de la consommation locale.

Tout achat auprès des autres fermes piscicoles n’est pas reconnu par le bureau de l’interprofession. Celui-ci détient le plein pouvoir pour autoriser ou interdire la sortie d’un conteneur par le service douanier au port. Qu’est-ce qui peut expliquer cette situation qui fait en sorte que la loi soit devenue personnelle et de portée limitée à une seule structure ? Difficile de répondre.

Il est bien, et même louable de soutenir ce sous-secteur de notre économie et d’accompagner les producteurs locaux. Mais cela doit se faire de façon équitable en ne lésant personne et en ne faisant pas du “amé n’koumé choix”, c’est dire des choix faits en fonction du visage de la personne considérée.

Sur les 100 cartons imposés aux distributeurs, c’est à peine s’ils arrivent à écouler la moitié à un prix profitable. Sinon, ils sont obligés de les revendre à perte, afin de rentrer dans leurs fonds n’étant pas des spécialistes de la vente de ce poisson, et au regard du désintérêt manifesté par les populations vis-à-vis de la consommation du tilapia, l’équation devient insoluble pour les importateurs des autres variétés de poissons, poussés à la faillite par cette décision contre-productive.

Il aurait fallu agir sur le prix de vente de ce produit en amont, afin de sauver la filière que d’ordonner à des pauvres importateurs, d’acheter à perte, une certaine quantité de tilapia local. Il aurait fallu apporter beaucoup plus de subventions aux producteurs locaux de tilapia pour les aider à baisser les prix sur le marché national. Il aurait fallu aider les producteurs à contrôler les prix des intrants, afin de baisser le prix du produit fini sur le marché. Voilà des choses qu’il aurait fallu faire pour sauver le sous-secteur et permettre aux Togolais de consommer à loisir, le tilapia local.

Avec cette mesure de quotas, c’est tout le secteur de l’importation des produits halieutiques qui se trouve face à un danger. Le danger de la disparition des acteurs principaux, ce qui conduira, dans son sillage, à l’écroulement des sociétés spécialisées dans la production du tilapia produit localement. Il convient d’agir au plus tôt afin de sauver la situation et d’aider cet important secteur, à sortir de son enlisement actuel.

Raphaël A.

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